La colombe et le feu

Homélie de la messe télévisée, fête du Baptême du Seigneur, dimanche 13 janvier 2019
Abbaye Saint-Pierre de Champagne, Chanoines réguliers de Saint-Victor
Père Abbé Hugues Paulze d’Ivoy

« Pourquoi fallait-il que le Christ fût baptisé ? » Saint Augustin s’émerveille : « Puisqu’il était venu pour nous montrer le chemin de l’humilité et pour se faire lui-même le chemin de l’humilité, il fallait qu’il pousse en tout l’humilité jusqu’au bout. » (Homélies sur l’évangile de Jean V, 3)

Chers frères et sœurs, à la jonction du temps liturgique de la Nativité et du temps dit ordinaire, le baptême du Seigneur nous replonge dans la source vive du Christ. Il nous appelle à faire de l’ordinaire de nos vies le lieu de sa présence aimante pour le monde, « dans l’Esprit Saint et le feu ».
Alors que Jean s’efface devant le Messie à qui il conduit ceux qui le suivaient, quelque chose d’imprévu se produit : le ciel s’ouvre, l’Esprit descend sur Jésus comme une colombe et une voix le désigne comme le Fils bien-aimé de sa joie.
Augustin contemple le mystère, source de notre foi : « Cette sainte et véritable Trinité, qui est pour nous un seul Dieu (…), se révèle de la façon la plus manifeste, le Père dans la voix, le Fils dans l’homme, l’Esprit dans la colombe. » (Ibid. VI, 5)

« Par le bain du baptême, Dieu nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint. »
L’irruption de Dieu, frères et sœurs, dans notre existence en transcende les limites.
Enfantés de nouveau, l’amour du Père repose sur nous. L’Esprit nous consacre dans le Christ comme instruments vivants de sa mission de prêtre, de prophète et de roi.
Jésus, le vrai Pasteur, nous rassemble, nous porte sur son cœur, nous nourrit, nous conduit : pour faire de nous ses membres, revêtant sa tunique de service et d’offrande.
Y croyons-nous vraiment ? Il vit en nous et agit par nous : c’est son intercession qui soulève notre prière, sa parole qui traverse notre voix, son amour qui dans nos cœurs vient toucher le monde.
Mais attention ! dit Augustin : « Ce baptême, sans la charité, ne te sert de rien » (Ibid. VI, 14).  Alors que nous faut-il ? L’humilité de la colombe et le feu de la charité.
La simplicité d’un cœur droit, sans duplicité ni calcul, pour « renoncer aux convoitises de ce monde et vivre, dans le temps présent, de manière raisonnable, avec justice et piété ».
Et dans cette humilité, la ferveur de l’amour du Christ qui embrase nos cœurs pour « faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien ». Ne le voyons-nous pas ? Notre monde désenchanté a besoin du Christ et le Christ nous y envoie. Mais notre mission de médiateurs de sa miséricorde n’est féconde qu’à la double mesure de l’humilité et de l’amour.

Par notre consentement à l’alliance du baptême, le Seigneur Jésus nous incorpore à son Église, son Épouse. Dans quel but ? Pour faire de notre vie, avec lui, une offrande féconde.
Dans l’ardeur non pas de dominer le monde, mais d’y réveiller la soif de Dieu qui nous a faits pour lui. Dans l’humilité de se reconnaître non des héros, mais de pauvres et joyeux sauvés qui se laissent libérer et enfanter à la cité de Dieu, où nous attire l’harmonie de son éternelle beauté.

Frères et sœurs, laissons-nous habiter par le Christ : il vient mettre sa vie dans notre vie.
Je vous y invite avec ces paroles de notre Père saint Augustin :
« Que le Seigneur vous donne d’observer tout cela avec amour, comme des êtres épris de la beauté spirituelle, répandant par leur vie la bonne odeur du Christ, non comme des esclaves sous la loi, mais comme des êtres rendus libres par la grâce. » Amen ! (Règle des serviteurs de Dieu, VIII)