« Un si grand médecin »
Un même mot latin, salus, désigne la santé et le salut. Les nombreuses guérisons que Jésus opère dans l’évangile sont le signe et de son attention à la dimension incarnée de notre existence et de sa puissance de vie, plus forte que la mort. Tout se tient en nous, l’âme spirituelle, l’esprit avec ses humeurs, le corps vulnérable. Par son Incarnation, c’est l’ensemble fragile et merveilleux de la personne humaine que le Sauveur est venu guérir. Le Catéchisme de l’Église catholique, avec toute la Tradition, ne craint donc pas d’écrire : « Le Seigneur Jésus-Christ, médecin de nos âmes et de nos corps, Lui qui a remis les péchés au paralytique et lui a rendu la santé du corps (cf. Mc 2, 1-12), a voulu que son Église continue, dans la force de l’Esprit Saint, son œuvre de guérison et de salut, même auprès de ses propres membres. C’est le but des deux sacrements de guérison : du sacrement de Pénitence et de l’Onction des malades. » (n° 1421)
Saint Augustin a été particulièrement sensible à cette dimension fondamentale de l’existence à laquelle nul ne peut échapper. « Cependant, toi, ô médecin de mon être intime… Voici mes blessures, je ne les cache pas : tu es médecin, je suis malade ; tu es miséricorde, je suis misère » (Confessions X,3,4 ; 28,39). Le Christ est le médecin et le remède : « Ta faiblesse était là comme un obstacle insurmontable, et c’est pour t’en délivrer qu’est venu vers toi un si grand médecin. Tu ne pouvais aller à lui, il est venu jusqu’à toi. Il est venu en enseignant l’humilité, ce chemin du retour, car l’orgueil nous empêchait de revenir à la vie, après nous avoir fait perdre la vie » (Sermon 142). La guérison devient conversion pour nous donner à sa suite : « C’est pour vous que le Christ, lui aussi, a souffert ; il vous a laissé un modèle afin que vous suiviez ses traces. Par ses blessures, nous sommes guéris. » (I P 2,21.24)
Jusque dans l’épreuve, le Seigneur désire notre collaboration à sa grâce, insiste Augustin, car « nous travaillons nous aussi, mais nous ne faisons que travailler avec Dieu qui travaille. Sa miséricorde nous a devancés pour que nous soyons guéris, elle nous suit encore pour qu’une fois guéris, nous soyons vivifiés. » (De natura et gratia, 3)
Dans sa prière, l’Église nous invite à nous associer à la souffrance rédemptrice du Sauveur : « Pour répondre à l’angoisse de ceux qui souffrent, tu as envoyé, Seigneur, ton propre Fils dans le monde, devenu l’homme des douleurs ; entends notre prière et la plainte des malades, ne laisse pas le mal les détourner de toi ; montre-leur que la souffrance ne peut être vaine s’ils l’endurent dans la Passion du Christ, pour leur salut et celui de leurs frères. » (Messe pour les malades)
Puissions-nous, portant nos frères souffrants dans la compassion et portés par eux dans l’offrande, n’être plus que cet appel, cette soif, ce cri vers Dieu : « Ô toi, donne-moi la force de te chercher, toi qui m’as fait pour te chercher de plus en plus. Devant toi est ma force et ma faiblesse : garde ma force, guéris ma faiblesse. » (De Trinitate XV,28,51)
+ Hugues PAULZE d’IVOY
Abbé général