Intervention Père Abbé à Lyon le 28 janvier 2020

Intervention Père Abbé à l’occasion d’une soirée de Mécénat pour la rénovation du logis abbatial à Chancelade

Lyon, le 28 Janvier 2020,

Chers amis,

Permettez-moi tout d’abord, avant la fin de ce mois de janvier, de vous souhaiter une belle et bonne année et de vous remercier tous et chacun de votre présence.

Nous venons d’entendre et d’être frappés par ce spectacle : « Saint Augustin passe aux aveux ». L’expérience et la parole d’Augustin portent à l’essentiel de ce qui anime nos existences, sous de multiples formes : le désir qui habite le cœur et inspire les choix de la vie, la vérité qui ne se laisse pas découvrir sans que nous soyons nous-mêmes transformés, l’intériorité où le Dieu qui reste caché nous parle en nous conduisant à le regarder aussi dans le monde, l’amour sans quoi rien n’est fécond ni ne rend heureux. Qu’est-ce qui continue encore aujourd’hui de faire d’Augustin le plus actuel de tous les penseurs depuis l’Antiquité ? C’est surtout qu’il nous partage avec un génie unique, à cœur ouvert et de cœur à cœur, le chemin de ses approfondissements successifs, où la foi biblique n’est pas séparable de la culture de la raison humaine, où l’expérience spirituelle fait aimer l’homme lui-même en toutes ses dimensions et où l’Église du Christ se fait servante du bien commun dont tous les hommes et toutes les sociétés ont besoin pour chercher leur unité.

Quand je suis entré dans notre abbaye Saint-Pierre de Champagne/Rhône, à une soixantaine de km d’ici, entre Vienne et Valence, il y a un peu plus de 30 ans, j’étais assez ignorant, comme vous peut-être ce soir, de ce qu’était ce vieil ordre religieux des chanoines réguliers de saint Augustin. Entre clergé séculier et vie monastique, il jouit d’un remarquable équilibre forgé par des siècles d’expérience. J’ai découvert à Champagne une alliance assez unique entre une vie de prière régulière dans une magnifique église romane ; une vie fraternelle familiale sans artifice partagée très simplement à toutes les personnes de passage ; et une énergie missionnaire ouverte en de multiples directions. Je fais depuis lors l’expérience que l’esprit fraternel simple et vrai d’une communauté vivante, animée par une source invisible mais bien réelle, rejoint de nombreuses personnes de tous ordres qui ressentent ce qui est vécu, en sont touchées et encouragées dans leur propre vie.

Cet esprit vivant, enraciné dans la plus authentique tradition et d’une remarquable modernité, Augustin en est l’inspirateur. Au IVe siècle, dans un temps mélangé tout comme le nôtre entre fin de civilisation, divisions religieuses et incertitudes pour l’avenir, conscient qu’il n’y a de spiritualité féconde qu’incarnée dans des actes humains concrets, il a rassemblé dans sa maison épiscopale les prêtres de son diocèse, leur proposant de mettre tout en commun comme des pauvres, pour être riches d’amitié fraternelle, de louange de la beauté divine et de service des hommes.

Au cours de l’histoire, ce mouvement s’est progressivement structuré en congrégations diverses unifiées en un ordre religieux de chanoines réguliers sous la règle de saint Augustin. Toutes les familles de chanoines réguliers ont un point commun qui doit retenir notre attention pour la vie de l’Église aujourd’hui : cet idéal est fortement associé au besoin de réforme de l’Église qui doit commencer par la réforme du clergé, appelé à vivre concrètement ce qu’il prêche.

Depuis 50 ans, notre communauté reprend l’héritage spirituel d’une des plus belles familles canoniales nées en France, celle de l’Abbaye Saint-Victor de Paris, fondée au début du XIIe siècle auprès d’un ermitage dédié au martyr saint Victor.

Aujourd’hui, nous sommes environ 70 religieux, sans compter une dizaine de jeunes regardants. Nos maisons sont situées dans la vallée du Rhône et dans le Sud-Ouest, mais aussi depuis près d’une trentaine d’années en Tanzanie, et plus récemment au Rwanda et au Viêt-Nam. Nous desservons de grandes paroisses, accueillons de nombreux groupes et personnes dans nos maisons, notamment à l’abbaye de Champagne où vous êtes les bienvenus. Après Mgr Henri Brincard qui fut évêque du Puy, un autre de nos confrères, Mgr Luc Ravel, est archevêque de Strasbourg. Une famille spirituelle de laïcs partageant l’esprit de notre charisme s’est développée.

La vidéo que vous allez regarder vous présente notre projet de Chancelade. Aux portes de Périgueux, dans cette magnifique Dordogne qui est l’une des régions les plus visitées de France et chemin vers Compostelle, l’antique abbaye fondée au XIIe siècle a été restaurée spirituellement et matériellement au XVIIe siècle par le bienheureux Alain de Solminihac, religieux et missionnaire exemplaire, abbé des chanoines réguliers qui devint ensuite évêque de Cahors. Une partie des anciens bâtiments de l’abbaye est privée, mais la communauté jouit d’une maison toute récente, dessert l’église abbatiale et la chapelle Saint-Jean et anime, outre les paroisses, cet ensemble où il y a sans cesse du passage de visiteurs, attirés par la beauté du site. C’est un patrimoine exceptionnel, à taille humaine, niché dans un écrin de verdure. Histoire, culture, beauté et spiritualité y forment un ensemble d’une très grande qualité.

Devant la vaste prairie bordée d’eau se trouve le magnifique Logis abbatial, principalement du XVIIe siècle. Il s’agit de le restaurer pour en faire un lieu de rencontres, d’animations et d’accueil ouvert à tous, groupes et personnes pratiquants ou en recherche, comme beaucoup de nos contemporains qui ont besoin d’oasis de beauté et de paix, soutenus par une communauté vivante, très bien implantée localement. Ce que nous désirons faire vivre, c’est tout ce grand et bel espace de respiration du cœur et d’inspiration de l’âme. Au milieu des difficultés croissantes de notre société qui cherche ses repères, ce type de lieu est devenu une nécessité vitale et une urgence pour notre engagement. Vous l’avez compris, ce projet ne peut se réaliser sans votre participation et au nom de tous mes frères, dès maintenant je vous remercie des gestes concrets que vous ferez pour nous aider à servir nos contemporains.

Je vous remercie beaucoup de votre écoute et serai heureux d’échanger avec vous tout à l’heure.