Homélie des funérailles de notre frère Jean-Marie

Messe de funérailles du frère Jean-Marie KAKULE KAMATE

Prieuré Notre-Dame de Bethléem, Basotu, 8 janvier 2020

Homélie du Père Abbé Hugues Paulze d’Ivoy

Lectures : Ap 21, 1-7 ; Ps 26, 1-4, 7-9, 13-14 ; Mt 5, 1-2.

 

La Parole de Dieu, chers frères et sœurs, nous unit pour nous porter, malgré notre peine, à prier pour notre frère Jean-Marie, à rendre grâce pour son existence et à intercéder pour lui, dans la grande lumière de l’espérance.

Dans son Apocalypse, l’apôtre Jean contemple : « J’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle… Et la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, je l’ai vue qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son Époux… Dieu sera avec eux, il n’y aura plus de mort, ni deuil, ni cri, ni douleur ». Il y a l’Église terrestre et l’Église du ciel. Notre frère Jean-Marie est appelé à entrer dans l’Église du ciel. L’Église est appelée à vivre quelque chose de comparable à l’amour qui existe entre l’époux et l’épouse, et qui s’achève dans le ciel. C’est le centre profond de notre vie chrétienne dès ici-bas. L’Église d’ici-bas se prépare à accueillir son Époux. Elle se convertit. Elle se pare de la beauté des vertus ; et surtout elle apprend à nourrir un amour de plus en plus intense pour le Seigneur. C’est la plus grande et la plus belle nouvelle que nous recevons de Dieu. Il nous rassemble pour faire de nous son épouse et nous donner gratuitement son amour. Et c’est le centre de la vocation de notre frère Jean-Marie, comme chrétien et comme religieux.

Cet appel s’est déployé dans sa vie en plusieurs directions. Tout d’abord le goût de la vie fraternelle : comme le dit saint Augustin, n’être que « un seul cœur et une seule âme en Dieu ». Non pas parce que nous nous choisissons nous seuls, mais c’est parce que c’est Dieu qui nous rassemble et c’est en lui que nous pouvons vivre dans l’unité. La vie fraternelle est une anticipation du Royaume des cieux. C’est aussi ce que notre frère Jean-Marie avait accompli dans la liturgie. La liturgie, l’office et la messe, sont notre première mission comme chanoines réguliers. La liturgie n’est pas d’abord un ensemble des rites à observer. La liturgie c’est l’adoration, la louange qui jaillissent du cœur de l’épouse pour la beauté de son Époux. C’est l’épouse qui s’émerveille devant l’Époux. C’est l’épouse qui chaque jour éprouve le besoin de revenir vers l’Époux, car elle pourrait se disperser. Et c’est l’épouse qui intercède pour tous les hommes auprès de l’Époux divin. Notre frère Jean-Marie aimait beaucoup la liturgie et avait des responsabilités dans le chant et le service de la liturgie. Il va entrer dans une autre liturgie très grande où le Seigneur se donne totalement à nous pour que nous puissions l’adorer totalement.

Cette Bonne Nouvelle, cet appel, n’oublions pas que c’est le sens de la mission de l’Église. C’est sa nécessité et son urgence. Nous avons le devoir de proposer et de transmettre aux autres ce trésor que nous portons. Dieu veut se faire connaître à tous les hommes. Il veut passer par nous. Il veut rassembler tous les hommes pour en faire la cité sainte. Le frère Jean-Marie avait le goût de la mission. Il aimait expliquer la Parole de Dieu et les sacrements, la foi de l’Église. Le catéchisme notamment pour les jeunes et les enfants ; et aussi aux adultes pour les préparer aux autres sacrements, par exemple le sacrement de mariage. La Parole du Dieu vivant, c’est le Christ, que notre frère Jean-Marie, est appelé à la voir désormais face à face.

Avec le psaume, tout à l’heure, nous avons aussi intercédé pour notre frère Jean-Marie : « Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? J’ai demandé une seule chose au Seigneur : habiter sa maison. Écoute, Seigneur, je t’appelle ! Pitié, réponds-moi ! ». Jean-Marie vivait avec les frères de l’Eucharistie, présence du sacrifice qui nous sauve de la mort et du péché. Nous sommes sauvés non pas parce que nous sommes plus ou moins bons. Nous sommes sauvés parce que Jésus, Fils de Dieu, Époux de l’Église, a offert sa vie pour chacun de nous. Nous célébrons cette messe pour notre frère Jean-Marie, en demandant au Seigneur que sa miséricorde infinie lui soit donnée. Aucun de nous n’est parfait. Nous avons tous besoin de purification. Nous croyons à la puissance du sacrifice du Christ et de sa miséricorde.

Il y a quelques minutes, dans l’église, pour une dernière fois ici-bas nous avons vu le visage du frère Jean-Marie. Être religieux c’est chercher toujours le visage du Seigneur. C’est chercher Dieu sans cesse. Et c’est se laisser chercher et trouver par Dieu. Alors notre frère Jean-Marie est appelé à rencontrer maintenant le visage du Seigneur. Comme dit le psaume : « C’est ta face Seigneur que je cherche, ne me cache pas ta face ». Ce qui concerne notre frère Jean-Marie nous concerne tous maintenant. Car nous savons qu’à notre mort nous sommes appelés à rencontrer personnellement le Seigneur. Nous savons aussi que nous devons attendre son retour à la fin des temps et le jugement général pour être tous ensemble unis éternellement dans la contemplation du visage du Seigneur, et dans la contemplation les uns des autres à la lumière du Seigneur. Notre frère Jean-Marie est une part de nous-mêmes qui nous précède devant le Seigneur. L’espérance de la Jérusalem nouvelle s’actualise maintenant pour lui, mais chacun de nous est appelé dès maintenant à se convertir pour chercher davantage le Seigneur.

Enfin, nous avons entendu le magnifique Évangile des béatitudes. Les béatitudes sont le programme de la vie chrétienne, annonçant aussi une promesse, une récompense. Nous sommes invités ici-bas à marcher de conversion en conversion. Notre Père saint Augustin a dit que les béatitudes sont « la charte parfaite de la vie chrétienne ». Mais il ne faut pas oublier deux choses. D’abord que les béatitudes ne sont pas une loi extérieure à observer, mais une transformation intérieure de notre cœur : dans l’humilité, la compassion, la douceur, la justice et la miséricorde, dans la pureté du cœur et la recherche de la paix et en acceptant les souffrances pour le Seigneur. C’est un programme de joie et d’allégresse. N’oublions jamais non plus que les béatitudes pour nous c’est d’abord quelqu’un. C’est le visage du Christ. C’est le cœur du Christ qui habite en nous-mêmes. C’est de longtemps que nous sommes appelés à nous convertir, à nous laisser convertir par le Christ qui habite en nous. Car en réalité c’est lui-même qui nous convertit et nous transforme petit à petit en lui. Et ici bas nous n’arrivons jamais à la perfection de cette conversion. Le désir du bonheur, le désir de la joie, le désir de la vie éternelle sera comblé au ciel. Prions pour que notre frère Jean-Marie accomplisse définitivement ce parcours.

Cher Monseigneur l’Évêque, chers confrères, chères sœurs, chers chrétiens, rendons grâce au Seigneur aujourd’hui pour deux choses particulières qui concernent notre communauté de Basotu. Le décès de notre frère Jean-Marie est une étape très importante de la construction de notre communauté. Une étape décisive parce qu’une communauté chrétienne ou une communauté religieuse ce n’est pas uniquement ce que nous voyons de nos yeux. C’est le mystère de la grâce du Seigneur qui nous unit à l’Église du ciel, qui nous unit aux saints et à nos défunts qui ont besoin de nos prières et qui prient pour nous. Si je puis dire, en mettant le corps de notre frère Jean-Marie en terre, notre communauté de Basotu met ses racines au ciel. C’est une étape décisive. C’est l’Église d’ici bas qui se relie à l’Église du ciel. Alors demandons à notre frère Jean-Marie d’intercéder pour nous devant la face du Seigneur. Et je rends grâce que Jean-Marie soit enterré à coté de notre église.

Voici la dernière chose très importante que je voulais souligner. En France les fondateurs de notre congrégation n’étaient pas français. De même, mais d’une autre façon, notre frère Jean-Marie, de la communauté de Tanzanie, n’est pas tanzanien. Il est congolais. Nous pensons à ce grand et beau pays, la R.D. Congo, un pays meurtri par les guerres et différents conflits et qui a besoin donc de notre prière, de notre soutien. C’est un pays qui possède une Église vivante et qui a fait naître beaucoup de missionnaires. Le fait que notre frère soit congolais manifeste la puissance de la grâce du Seigneur, le mystère de la charité fraternelle, de l’amour chrétien qui dépasse toutes nos frontières. La grâce nous fait aimer notre patrie terrestre que Dieu nous donne. Et je le dis avec beaucoup de respect devant les autorités civiles ici présentes. Mais l’Église est composée des gens de toutes nations, peuples, langues et races, et l’amour de Dieu nous unit au-delà de toutes nos frontières.

Je salue les Pères, les religieux et religieuses du Congo ici présents. Je salue aussi les Pères, les sœurs, les fidèles d’autres nationalités. Je remercie les tanzaniens de m’accueillir moi-même comme un frère, même si je ne suis pas tanzanien. Il est très important que nous soyons chacun riches de nos cultures pour pouvoir échanger dans le Seigneur beaucoup de biens.

Ce matin nous demandons au Seigneur avec tout notre cœur d’accueillir notre frère Jean-Marie dans sa lumière éternelle. Que Dieu comble son cœur de joie et de paix. Demandons aussi au Seigneur de pouvoir rejoindre le Seigneur et de nous unir à nos défunts qui nous précédent au ciel. Et demandons au Seigneur, enfin, d’être ici-bas, sur cette terre, là où il nous place et nous envoie, de vrais signes de son espérance, de bons témoins de la vie éternelle et du bonheur qui nous est promis au-delà de toute souffrance.

Notre frère Jean-Marie est passé de cette vie vers le Seigneur aux premières heures du Nouvel An. Il a passé de la nouvelle année vers la vie éternelle. C’est un signe d’espérance pour le frère Jean-Marie. Le premier janvier nous célébrons la fête de la sainte Vierge Marie, Mère de Dieu. Que la Vierge Marie notre Mère conduise notre frère vers la vie éternelle. Nous lui confions ses parents et membres défunts de sa famille. Nous demandons à la Vierge Marie de nous aider aussi tous à parvenir un jour à la vie éternelle. Amen.